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Récitadelles

Tableau composite posé sur le rebord d’une fenêtre d’un hall des bureaux administratifs à la Citadelle de Marseille, où se retrouvent les salarié·es pour leurs pauses-café. Il rassemble une vue aérienne de la Citadelle, une carte postale illustrant un phare dans la tempête et, peut-être sans ironie, une citation “inspirante” d’Henry Ford – symbole du capitalisme industriel et architecte du travail à la chaîne déshumanisé. Dans le reflet de la vitre, on peut apercevoir la présence de l’auteur de la photo (anonyme).

Le projet Récitadelles, dont le nom complet est “Médiation des récits et lectures plurielles du patrimoine”, est une initiative de recherche, de création et d’action portée par Aix-Marseille Université, coordonnée par son Laboratoire d’Études en Sciences des Arts (LESA, EA 3274) en coopération avec la Citadelle de Marseille, et financée par la fondation universitaire Amidex.

C’est un projet qui s’inscrit dans les champs de la médiation et de la création contemporaine, qui explore la notion de polyvocalité, entendue littéralement comme la coexistence simultanée de plusieurs voix ou récits, à l’image d’une chorale. Le projet explore cette polyvocalité à travers des processus coopératifs d’interprétation du patri·matrimoine. Cette démarche vise à prendre en compte et à soutenir les revendications actuelles d’équité et de justice sociale dans le champ de la culture et du patri·matrimoine, ce dont témoigne notamment la réécriture récente de la définition du musée par l’ICOM – le Conseil international des musées – pour intégrer “la participation de diverses communautés”. Ces revendications demandent aux institutions patrimoniales de revoir leurs fonctionnements et notamment l’écriture et la diffusion de récits qui se font, souvent machinalement, le relais de visions du monde inégalitaires, qui tendent à asseoir des hiérarchies entre les groupes sociaux et entre les humain·es et les non humain·es. L’objectif de ces démarches n’est pas de multiplier les récits, mais de construire un “commun” qui intègre la diversité des voix. Le projet Récitadelles adopte ainsi une approche qui mise sur la contextualisation de relations de pouvoir complexes.

Nous avons choisi de faire évoluer le projet dans le cadre institutionnel la Convention de Faro du Conseil de l’Europe, qui encourage chaque personne à participer au processus d’identification, d’étude, d’interprétation, de protection, de conservation et de présentation du patrimoine et matrimoine culturels, ainsi qu’à la réflexion et au débat public sur leur rôle sociétal.  

Il prend pour terrain la Citadelle de Marseille, autrement appelé Fort Saint-Nicolas, monument historique surplombant le Vieux-Port de Marseille, dont l’histoire complexe suscite une multiplicité de récits, souvent dissonants. 

La méthodologie de Récitadelles tente de refléter les enjeux qui sont au coeur du projet en adoptant une méthodologie collaborative, réunissant une diversité de voix : travailleur·euses du site, habitant·es des quartiers environnants, artistes, médiateur·ices culturel·les, étudiant·es, porteur·euses de mémoire, chercheur·euses, artistes-chercheur·euses. Cette approche vise à proposer une espace d’expérimentations à même de questionner, déconstruire et diversifier les pratiques de recherche, création et médiation autour du patri·matrimoine, en intégrant des lectures contemporaines et plurielles de l’espace de la Citadelle et de ses histoires. Tout au long du processus – de la collecte de récits à sa monstration, en passant par une réflexion sur ses enjeux pour la société – Récitadelles interroge les problématiques que ce travail soulève, dans l’objectif de consolider et d’élargir des communautés patri·matrimoniales.

Lancé en octobre 2024 et pour une durée de douze mois, Récitadelles se décline en plusieurs chantiers :

  • des collectes de récits,
  • une résidence artistique,
  • des journées d’étude portées par une communauté de recherche,
  • des enquêtes de terrain menées par des étudiant·es de Master 2 en Médiation culturelle des arts d’Aix-Marseille Université, qui travaillent par ailleurs sur la création de dispositifs de médiation numériques avec des étudiant·es en Narrations interactives du DNMADe de l’École Supérieure de Design Marseille,
  • un film ou objet audiovisuel qui documente les processus de travail derrière Récitadelles.

La programmation publique de Récitadelles se décline en séminaires, ateliers de réflexion et d’action sur la polyvocalité, les droits culturels et le patri·matrimoine, sorties de résidence artistique, balades, entre autres formes encore en réflexion, afin de nourrir l’échange entre savoirs critiques et savoirs subalternes, entre création artistique et transformation sociale, entre intérieur et extérieur du site patri·matrimonial.

Page Instagram de Récitadelles, avec images, vidéos, sons, textes, archives et objets libres issus du travail de recherche, création et action, et de sa documentation, et alimentée par et avec la communauté de recherche, les artistes en résidence, les étudiant·es et les porteur·euses de mémoire.
  • La collecte
  • La résidence artistique
  • Les journées d’étude
  • Les enquêtes
  • Le film

En 2023-2024, l’écrivaine Valérie Manteau a réalisé une première étape de collecte de récits, dont l’objectif était “d’écrire une histoire du Fort Saint-Nicolas à partir de récits récoltés auprès des gens qui le connaissent, qui le pratiquent ou qui s’en souviennent, qui en ont hérité l’imaginaire dans leur légende familiale ou collective”. Elle a rencontré d’ancien·nes employé·es, des salarié·es qui travaillent aujourd’hui dans le Fort, notamment les salarié·es en insertion qui le rénovent, des militaires ou des personnes qui y ont fait leur service militaire, des membres d’associations (amateur·ices de fortifications, boulistes…). Ces témoignages ont été mis en récit dans un document qui s’intitule Les 1001 voix du Fort Saint-Nicolas, où des personnes qui ne se sont peut-être jamais rencontrées s’interpellent, se contredisent, se répondent. En croisant ces récits, Valérie Manteau montre qu’au Fort Saint-Nicolas s’est joué et rejoué le rapport de notre société avec ses marges, avec son passé, son identité et son patrimoine, soulevant des enjeux politiques autour du droit à la ville, de l’espace public, de l’inclusion et du vivre-ensemble.

Depuis octobre 2024, Alice Lancien, sociologue et urbaniste, poursuit ce travail de collecte de récits dans le cadre de Récitadelles. Aujourd’hui, l’enjeu est de faire vivre les communautés multiples qui émergent à travers les collectes de récits (familles d’anciens prisonniers, groupes de scouts qui ont fréquenté le Fort pendant des décennies, habitant·es du quartier…). Il est aussi de continuer d’interroger les relations que le Fort tisse avec la ville, nourries d’attachement, d’intérêt pour ce qui s’y passait et s’y passe aujourd’hui, mais également de tensions autour de ce qu’était et ce que devient ce lieu emblématique de la ville.

Cette année la collecte de récits s’intéresse aux relations de voisinage et aux pratiques quotidiennes des habitants et habitantes du quartier, au rapport qu’ils et elles tissaient par le passé et tissent aujourd’hui avec le Fort.

Page en construction.

Pour son premier temps public, Récitadelles a coorganisé avec la coopérative Hôtel du Nord un atelier consacré aux conditions d’exercice du droit au patrimoine et matrimoine culturels, qui s’est tenu le jeudi 28 novembre 2024 à Aix-Marseille Université, sur le site Saint-Charles. Cet événement s’inscrit dans un contexte où plusieurs initiatives, à Marseille, questionnent et agissent autour du droit au patrimoine et matrimoine culturels et de leurs conditions d’exercice. Ce droit ne se limite pas à la participation à la vie culturelle, mais constitue également une responsabilité partagée, qui engage à repenser la relation entre les communautés patri·matrimoniales et les institutions patrimoniales.

L’exercice du droit au patrimoine et matrimoine en tant qu’approche coopérative entre l’institution et la société civile est souvent complexe à mettre en œuvre et traversé par de multiples tensions, notamment quand il concerne des récits dits dissonants, conflictuels, invisibles, minorisés. Les institutions oscillent entre des réflexes de conservation et une volonté de dialogue et d’innovation face aux revendications des communautés patri·matrimoniales.

L’atelier a constitué un premier espace d’échange sur les conditions d’exercice du droit au patri·matrimoine culturel, dans une perspective élargie de réflexion collective sur l’évolution des politiques publiques patrimoniales à Marseille. Il a réuni des membres de Récitadelles et de la coopérative Hôtel du Nord, la délégation au Patrimoine de la Ville de Marseille, des membres du réseau francophone de Faro, ainsi que des représentant·es de trois expériences invitées :

  • Les Archives invisibles (Manifesta 13),
  • Prendre place – Rue des musées, Musée de la Rue (Musée d’Histoire de Marseille, Archives municipales et Noailles Debout !, en partenariat avec Hôtel du Nord),
  • Mémoire des sexualités.

Ces trois initiatives ont exploré des questions clés :

  1. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser au droit au patri·matrimoine ?
  2. Quels lieux, rituels et cadres d’hospitalité patri·matrimoniale avez-vous imaginés et mis en œuvre ?
  3. Quelles transformations avez-vous observées dans vos pratiques ?

Le dialogue entre ces expériences, Récitadelles et les représentant·es de la Ville de Marseille s’est articulé autour de la notion d’hospitalité. Cette dernière a été définie comme une situation sociale permettant de tisser des liens entre communautés patri·matrimoniales et institutions publiques. Les discussions ont notamment porté sur les moyens de concevoir des conditions d’hospitalité accueillantes, susceptibles de faciliter la coopération entre communautés et action publique.

Un deuxième temps public autour de ces questions est prévu au premier semestre 2025.

Récitadelles déploie plusieurs enquêtes de terrain et investigations en recherche-création-action, structurées “en archipel”. Cette approche vise à établir des liens entre les problématiques, méthodologies et questionnements propres à chaque participant·e tout au long du processus. L’objectif final est de formuler une hypothèse méthodologique commune pour mener des projets de recherche-création-action collectifs et horizontaux, en interrogeant les relations de pouvoir dans un contexte de polyvocalité, particulièrement autour de l’exercice du droit au patri·matrimoine.

Ces enquêtes sont menées par les groupes suivants.

Les étudiant·es en deuxième année de Master en Médiation culturelle des arts mènent, pour l’année universitaire 2024-2025, leurs projets tutorés à la Citadelle de Marseille dans le cadre de Récitadelles. Cette initiative s’inscrit dans une coopération avec les étudiant·es en Narrations interactives du DNMADe de l’École Supérieure de Design Marseille (ESDM).

Les étudiant·es des deux parcours se sont réparti·es en quatre groupes de recherche-médiation, chacun explorant l’une des quatre thématiques suivantes : les souterrains ; femmes & féminismes ; résistances ; le travail. Les points d’entrée possibles pour ces terrains d’investigation incluent un lieu, un récit, une personnes, ou une combinaison ou pluralité de ces éléments.

Des actualités de leurs recherches en cours est disponible sur le blog du parcours Médiation culturelle des arts.

Texte en cours de rédaction.

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