
Le projet Récitadelles, dont le nom complet est “Médiation des récits et lectures plurielles du patrimoine”, est une initiative de recherche, de création et d’action portée par Aix-Marseille Université en coopération avec La Citadelle de Marseille. Coordonné par le Laboratoire d’Études en Sciences des Arts (LESA, UR 3274) en partenariat avec l’Institut d’ethnologie et d’anthropologie sociale (IDEAS, UMR 7307 – AMU/CNRS), ce projet est financé par la fondation universitaire Amidex.
Inscrit dans les champs de la médiation et de la création contemporaine, Récitadelles explore la polyvocalité – entendue comme la coexistence de plusieurs voix ou récits – à travers des processus coopératifs d’interprétation du patri·matrimoine. Cette démarche vise à prendre en compte et à soutenir les revendications actuelles d’équité et de justice sociale dans le champ de la culture et du patrimoine, ce dont témoigne notamment la réécriture récente de la définition du musée par l’ICOM – le Conseil international des musées – pour intégrer “la participation de diverses communautés”. Ces revendications demandent aux institutions patrimoniales de revoir leurs fonctionnements et notamment l’écriture et la diffusion de récits qui se font, souvent structurellement, le relais de visions du monde inégalitaires, qui tendent à asseoir des hiérarchies entre les groupes sociaux et entre les humain·es et les non humain·es. L’objectif de ces démarches ne se limite pas à multiplier les récits, mais vise à construire un “monde commun” (Hannah Arendt). Le projet Récitadelles adopte ainsi une approche qui mise sur la contextualisation de relations de pouvoir complexes.
Nous avons choisi de faire évoluer le projet dans le cadre institutionnel de la Convention de Faro du Conseil de l’Europe, qui encourage chaque personne à participer au processus d’identification, d’étude, d’interprétation, de protection, de conservation et de présentation du patrimoine et matrimoine culturels, ainsi qu’à la réflexion et au débat public sur leur rôle sociétal.
Il prend pour terrain la Citadelle de Marseille, autrement appelé Fort Saint-Nicolas, monument historique surplombant le Vieux-Port de Marseille. Après des siècles d’occupation militaire (fort, prison, caserne, laboratoire vétérinaire) et quelques usages civils (jardin, terrain de jeux des scouts, boulodrome, feu d’artifice, free parties) ce lieu emblématique, aussi réel que fantasmé, accueille depuis plusieurs années des chantiers d’insertion et des plateaux de formation dédiés à la restauration de son patrimoine architectural. Depuis 2021, la Citadelle ouvre progressivement ses portes aux publics. Dans un contexte de cohabitation et de voisinage parfois marqués par des frottements, Récitadelles interroge la multiplicité des usages et des récits, parfois dissonants, de ce lieu chargé d’histoires, plus souvent quotidiennes que grandioses.
La méthodologie de Récitadelles tente de refléter les enjeux qui sont au coeur du projet en adoptant une méthodologie collaborative, réunissant une diversité de voix : travailleur·euses du site, habitant·es des quartiers environnants, artistes, médiateur·ices culturel·les, étudiant·es, porteur·euses de mémoire, chercheur·euses, artistes-chercheur·euses. Cette approche vise à proposer un espace d’expérimentations à même de questionner, déconstruire et diversifier les pratiques de recherche, création et médiation autour du patri·matrimoine, en intégrant des lectures contemporaines et plurielles de l’espace de la Citadelle et de ses histoires. Tout au long du processus – de la collecte de récits à sa monstration, en passant par une réflexion sur ses enjeux pour la société – Récitadelles interroge les problématiques que ce travail soulève, dans l’objectif de consolider et d’élargir des communautés patri·matrimoniales.
Lancé en octobre 2024 et pour une durée de douze mois, Récitadelles se décline en plusieurs chantiers :
- des collectes de récits,
- une résidence artistique,
- des journées d’étude portées par une communauté de recherche-création-action,
- des enquêtes de terrain menées par la communauté de recherche-création-action, ainsi que par des étudiant·es de Master 2 en Médiation culturelle des arts d’Aix-Marseille Université, qui travaillent par ailleurs sur la création de dispositifs de médiation numériques avec des étudiant·es en Narrations interactives du DNMADe de l’École Supérieure de Design Marseille,
- un film ou objet audiovisuel qui documente les processus de travail derrière Récitadelles.
La programmation publique de Récitadelles se décline en séminaires, ateliers de réflexion et d’action sur la polyvocalité, les droits culturels et le patri·matrimoine, sorties de résidence artistique, balades, entre autres formes encore en réflexion, afin de nourrir l’échange entre savoirs critiques et savoirs subalternes, entre création artistique et transformation sociale, entre intérieur et extérieur du site patri·matrimonial.
L’archipel
Le projet Récitadelles déploie une méthodologie expérimentale et évolutive, initiée sous forme d’un archipel d’initiatives avant de structurer progressivement des croisements transdisciplinaires et transversaux.
- La collecte
- La résidence artistique
- Les journées d’étude
- Les enquêtes
- Le film

En 2023-2024, l’écrivaine Valérie Manteau a réalisé une première étape de collecte de récits, dont l’objectif était “d’écrire une histoire du Fort Saint-Nicolas à partir de récits récoltés auprès des gens qui le connaissent, qui le pratiquent ou qui s’en souviennent, qui en ont hérité l’imaginaire dans leur légende familiale ou collective”. Elle a rencontré d’ancien·nes employé·es, des salarié·es qui travaillent aujourd’hui dans le Fort, notamment les salarié·es en insertion qui le rénovent, des militaires ou des personnes qui y ont fait leur service militaire, des membres d’associations (amateur·ices de fortifications, boulistes…). Ces témoignages ont été mis en récit dans un document qui s’intitule Les 1001 voix du Fort Saint-Nicolas, où des personnes qui ne se sont peut-être jamais rencontrées s’interpellent, se contredisent, se répondent. En croisant ces récits, Valérie Manteau montre qu’au Fort Saint-Nicolas s’est joué et rejoué le rapport de notre société avec ses marges, avec son passé, son identité et son patrimoine, soulevant des enjeux politiques autour du droit à la ville, de l’espace public, de l’inclusion et du vivre-ensemble.
Depuis octobre 2024, Alice Lancien, sociologue et urbaniste, poursuit ce travail de collecte de récits dans le cadre de Récitadelles. Aujourd’hui, l’enjeu est de faire vivre les communautés multiples qui émergent à travers les collectes de récits (familles d’anciens prisonniers, groupes de scouts qui ont fréquenté le Fort pendant des décennies, habitant·es du quartier…). Il est aussi de continuer d’interroger les relations que le Fort tisse avec la ville, nourries d’attachement, d’intérêt pour ce qui s’y passait et s’y passe aujourd’hui, mais également de tensions autour de ce qu’était et ce que devient ce lieu emblématique de la ville.
Cette année la collecte de récits s’intéresse aux relations de voisinage et aux pratiques quotidiennes des habitants et habitantes du quartier, au rapport qu’ils et elles tissaient par le passé et tissent aujourd’hui avec le Fort.
Catherine : “Moi, ce que j’ai comme histoire à raconter, c’est pas historique”
Catherine avait laissé ses coordonnées à une des médiatrices lors d’une visite à l’été 2024, déclarant être une voisine du fort. Au téléphone, elle déclare être très attachée au fort, tout en ajoutant : “Moi, tout ce que je connais de l’histoire d’ici, c’est passionnel. C’est absolument pas historique, de tout ce qui a bien pu s’y passer… Non, c’est vraiment le côté humain que je connais, moi”.
Nous nous retrouvons une journée pluvieuse d’automne devant le jardin du Pharo. Vêtue d’un jean, de bottes en cuir noir à semelles compensées, elle a les cheveux mi-longs, coiffée d’une casquette en laine grise. Elle a une voix grave et un accent qu’elle qualifie rapidement lors de nos échanges de “titi parisien”. Née à Paris, elle vit entre Bastille et République jusqu’à ses 7 ans, dans le quartier où ses grands-parents juifs polonais s’étaient installés après avoir fui les pogroms dans les années 1930. En 1963, ses parents s’installent au Vallon des Auffes à Marseille. Son père tenait une boutique de meubles rue Venture, tandis que sa mère travaillait comme esthéticienne dans un grand magasin de la rue Saint-Ferréol. Aujourd’hui retraitée, Catherine a travaillé comme exposante de prêt-à-porter de luxe dans des foires. Elle a toujours vécu dans le secteur, ayant déménagé plusieurs fois entre Endoume et le Pharo. Après son mariage, elle réside plusieurs années dans un appartement au 11e étage de la tour du Pharo avec son mari et ses deux enfants. C’est de cette période qu’elle souhaite témoigner, qui s’étend des années 1980 à la période plus récente.
Elle insiste sur la transmission générationnelle des pratiques du quartier, entre ses enfants et ses petits-enfants : “Entre le Pharo et ici, c’est ancré en nous. J’ai fait ça, mes enfants ont fait ça, mes petits-enfants font la même chose. C’est important”. Alors qu’on s’approche de l’entrée arrière du fort, au fond de l’impasse Clerville désormais close par un portail métallique vert, elle se souvient, émue : “Parce que nous, on ne rentrait pas par l’autre côté. On rentrait par là. Et moi, à l’époque, j’avais un berger allemand qu’on promenait tous les jours ici. […] Ça a tellement changé. Oh là là ! Vous voyez la porte d’entrée qui est là ? […] Eh bien, à l’époque, il y avait un porche et puis on rentrait par là. C’était ouvert, bien sûr. On entrait comme on voulait. Il n’y avait rien. C’était une colline”.


Robert Gilles : “Je peux donner mon savoir lorsqu’il y a des visiteurs qui viennent. C’est un échange, chacun y trouve son compte”
Enfant, Robert a d’abord vécu dans le quartier de Belsunce, au-dessus du cinéma l’Étoile situé boulevard Dugommier qui était tenu par son grand-père paternel, puis s’installe avec sa famille dans le quartier en 1985. Du côté de son père, sa famille est marseillaise, propriétaires fonciers en Ardèche et commerçants. Sa mère arrive quant à elle en 1962 au moment de l’indépendance de l’Algérie. Il qualifie sa famille maternelle du statut de “petit fonctionnaire colonial”, des “petites gens” selon ses termes. Après sont baccalauréat, il fait des études d’archéologie à Aix-en-Provence. À la suite de son doctorat d’État, il réalise des fouilles et des prospections pendant plusieurs années, en lien avec les universités et le ministère de la coopération dans différents pays “de la Méditerranée, d’Afrique du Nord, d’Afrique subsahélienne et d’Amérique latine”. Il garde un très bon souvenir de cette période. À son retour de l’étranger en 1996, il se réinstalle dans le quartier.
Il vit d’abord dans le quartier de Tellene, puis aux Catalans, “près de l’État Major”, une référence géographique significative pour lui qui était officier de réserve de la Marine nationale. Son ancrage dans le quartier est donc lié aux activités associatives, mais également aux liens établis grâce à sa position dans l’armée de réserve opérationnelle qui lui ont permis de tisser des relations avec les différents corps qui occupaient le fort Saint-Nicolas. Il reconnaît avoir peu de relations directes avec le fort: “Moi, j’avais surtout une relation, alors pas avec le fort, mais avec ce qu’il y avait en-dessous”. Au titre d’officier de réserve, il fréquentait alors les souterrains du fort Saint-Nicolas entre la fin des années 1980 et la fermeture du site dans les années 2000, dont il décrit l’ambiance. Il se souvient de moments partagés avec les officiers de l’armée, comme le “petit déjeuner colonial” organisé à l’occasion du départ à la retraite d’un officier.
Aîné d’une fratrie de quatre frères et soeurs, il réside depuis dix ans avec sa mère âgée de 80 ans dans un logement en location proche de la caserne d’Aurelle. Critique sur le regard passéiste et les postures individuelles que peut avoir le Comité du Vieux-Marseille dont il fait par ailleurs partie, il est ouvert à des collaborations avec La Citadelle de Marseille. Il y trouve une réponse à un besoin de reconnaissance de ses propres compétences en tant qu’archéologue et habitant du quartier.
La question de la subsistance économique est également importante pour lui : à 57 ans, il a créé en octobre 2024 sa micro-entreprise, Massalia Archéologia, afin d’être rémunéré pour les visites historiques qu’il réalise à Marseille. Il recherche également, par les liens établis jusqu’à présent avec La Citadelle de Marseille, à être dans une posture d’échange et de collaboration, il reconnaît l’importance de l’ouverture au public du site. Il évoque le fait que ses interventions lors de visites guidées pendant les journées de l’archéologie ou les journées européennes du patrimoine lui permettent d’accéder à des espaces qui ne sont actuellement pas ouverts au public tout en mobilisant ses connaissances et compétences de médiation : “Là, mes compétences, si je les mets au service de la population, pour protéger l’abbaye, par exemple, pour aider éventuellement la Citadelle, si elle m’appelle, par exemple, pour la journée d’archéologie comme ça a été le cas. Parce que je vais apporter quelque chose, et eux ils vont m’apporter quelque chose. […] La Citadelle, je peux aller dans des lieux qui sont pour l’instant interdits au public, en étant accompagné. D’un autre côté, je peux donner mon savoir, moi, lorsqu’il y a des visiteurs qui viennent. Vous voyez, c’est un échange. Chacun y trouve son compte ».
Francis : “Le militaire de faction était débonnaire. Il laissait les gens entrer”
Une adolescence dans les espaces en friche du quartier

Dans le récit de Francis d’une enfance et adolescence populaire dans le quartier, le fort Saint-Nicolas se trouvait être au cœur des espaces en friche qu’il fréquentait avec ses amis. Il décrit des pratiques du temps libre qui étaient construites à partir de réseau de lieux plus ou moins accessibles, des“terrain s de jeux incroyables” dans le quartier. Il évoque ainsi les blockhaus à côté du chantier naval vers le cercle des nageurs dans une zone militaire fermée, mais dans laquelle on pouvait accéder par les trous dans les grillages, les parties basses du jardin du Pharo qui étaient “assez sauvages”, et d’autres terrains vagues. Lorsqu’il était accompagné d’amis de son âge, le petit groupe entrait par un trou dans le grillage depuis la rue Ernest Duchêne.
“On vivait avec la présence de ce fort en permanence. Sans vouloir faire Kafka avec la présence du château ! […] À l’époque la circulation était peu importante, et la population du quartier exerçait une surveillance bienveillante sur tous les jeunes du quartier. Et donc, dans le quartier, il y avait beaucoup d’endroits, ça paraît incroyable aujourd’hui, où on pouvait jouer. Et donc, je me souviens qu’on était tout un groupe à se déplacer à bicyclette dans ce quartier, dont un qui avait récupéré un vieux Solex dans une décharge où il n’y avait pas le moteur. On voyait le poids du truc ! Et donc, on allait, on passait. […] On était allé voir au cinéma le Forum, qui était rue d’Endoume, un film avec Johnny Hallyday qui s’appelait À tout casser. Dans ce film, c’est une bande de jeunes qui se baladent en Harley-Davidson. Et il y a une scène où ils sont en Harley-Davidson et ils boivent du champagne. Et sur la route, ils se passent la bouteille ! Et donc aussitôt qu’on a vu ça, on a acheté une bouteille de Fanta ou de limonade. Et nous, on se baladait avec les vélos et on se passait la bouteille !”.
Avec la “bande du quartier”, comme il l’appelle, ils observaient la maison située en dessous du glacis Ouest, à la lisère des actuels terrains de tennis du Pharo. Ils l’appelaient “la maison abandonnée” : “Je me souviens très bien que, gamins, quand on venait avec les vélos de l’autre côté, il y avait une maison abandonnée, une grande maison. Soit les volets étaient ouverts, soit il n’y en avait plus. Et donc, on voyait l’intérieur de la maison. Il y avait un arrosoir qui était accroché au plafond. Alors nous, ça nous faisait… On était sûr que c’était une maison hantée !”

Période contemporaine
La promenade dans le fort permet à Francis d’opérer une digression dans le passé d’admirer le caractère exceptionnel du site, mais également de mettre en perspective ses souvenirs avec les changements actuels dans le quartier : “Ce qu’on a du mal à imaginer aujourd’hui c’est que… tout ce secteur est devenu très bobo, mais moi quand j’étais jeune c’était un quartier très ouvrier, très ouvrier ! Les bourgeois marseillais n’étaient pas là, ils étaient à Perrier, Paradis, quelques uns au Roucas Blanc. Mais le 7ème arrondissement, Endoume ça avait même mauvaise presse à l’époque parce qu’il y avait des laboratoires de drogues, voilà quoi il y avait… C’était un quartier populaire. Ceci-dit moi j’ai jamais senti aucune inquiétude”.
Il décrit aujourd’hui un site unique avec les blocs de calcaire de la roche naturelle, les murs en pierre rose éclairés par la lumière, et les cyprès : “ça a beaucoup de gueule, c’est un site magnifique !”. Puis il ajoute qu’il déplore la construction d’un immeuble à l’intersection de l’avenue de la Corse et de la rampe Saint-Maurice : “Comme tous les gens du quartier on déplore qu’il y ait eu un immeuble qui se soit construit à l’intersection de la rampe Saint-Maurice et de l’avenue de la Corse. Après, on sait bien que Marseille n’est pas une ville riche et que… il faut récupérer un peu d’argent, et puis qu’il faut loger tout le monde. […] Et puis il y a des rapports qui sortent en disant qu’il y a un décalage d’espace vert entre quartiers sud et quartiers nord, donc je pense qu’un rééquilibrage, ça ne choque personne”.
Faisant de la mise en place de dynamiques collectives un processus créatif, nous envisageons la posture artistique comme un pas de côté permettant la rencontre dans l’espace quotidien. Des registres variés pourront être mobilisés au fil des semaines pour des actions artistiques, allant de la pratique plastique à la performance, en passant par l’apprentissage de techniques créatives ou l’échange oral par exemple.

Nous partons systématiquement des histoires que l’on rencontre pour construire des lectures et interprétation contemporaines de ce qui fait patrimoine. Un premier chapitre se concentre sur la polysémie du mot insertion, qui fait directement référence aux chantiers de rénovation de la Citadelle, en place depuis vingt ans. A travers le projet ambitieux de la Citadelle, on croise de multiples intentions : Qui s’insère dans quoi? Comment ? Pourquoi?
Nous avons choisi de mobiliser trois médiums que nous utilisons particulièrement dans nos pratiques, comme trois manières d’interagir avec les personnes et les espaces :

Un duo aux approches pluridisciplinaires
Manon Lefébure est une artiste plasticienne et designer qui crée à la croisée de l’artisanat et de l’écriture. Se servant des sentiments intimes comme matière première, elle tente de faire résonner à travers ses objets, des émotions collectives et universelles auprès des publics, avec qui il lui arrive souvent de collaborer. Dans sa pratique du chant, Manon Lefébure, sous son pseudonyme Miaule Mort, utilise un looper vocal qui lui permet de mettre en musique live des récits.
Tom Hébrard est designer et co-fondateur du label d’arts visuels OYÉ, qui travaille sur la transition écologique à travers l’art, le design et l’enseignement. Il a notamment co-développé un outil de projection low-tech, le visiophare , fabriqué à partir d’un rétroprojecteur d’école, qui permet de composer des récits visuels immersifs, à projeter en intérieur ou sur des façades de bâtiments. Sa devise : créer des imaginaires pour un futur souhaitable, les mettre en action et les diffuser.
Ensemble, nous mettons une emphase sur les outils participatifs, conviviaux, qui favorisent la rencontre et floutent le rapport entre pratique amateure et professionnelle. Un art à visée sociale et d’éducation populaire.
Journée 1 : Atelier “Hospitalité patrimoniale ? Lectures plurielles et conditions d’exercice du droit au patrimoine”
Pour son premier temps public, Récitadelles a coorganisé avec la coopérative Hôtel du Nord un atelier consacré aux conditions d’exercice du droit au patrimoine et matrimoine culturels, qui s’est tenu le jeudi 28 novembre 2024 à Aix-Marseille Université, sur le site Saint-Charles. Cet événement s’inscrit dans un contexte où plusieurs initiatives, à Marseille, questionnent et agissent autour du droit au patrimoine et matrimoine culturels et de leurs conditions d’exercice. Ce droit ne se limite pas à la participation à la vie culturelle, mais constitue également une responsabilité partagée, qui engage à repenser la relation entre les communautés patri·matrimoniales et les institutions patrimoniales.
L’exercice du droit au patrimoine et matrimoine en tant qu’approche coopérative entre l’institution et la société civile est souvent complexe à mettre en œuvre et traversé par de multiples tensions, notamment quand il concerne des récits dits dissonants, conflictuels, invisibles, minorisés. Les institutions oscillent entre des réflexes de conservation et une volonté de dialogue et d’innovation face aux revendications des communautés patri·matrimoniales.


L’atelier a constitué un premier espace d’échange sur les conditions d’exercice du droit au patri·matrimoine culturel, dans une perspective élargie de réflexion collective sur l’évolution des politiques publiques patrimoniales à Marseille. Il a réuni des membres de Récitadelles et de la coopérative Hôtel du Nord, la délégation au Patrimoine de la Ville de Marseille, des membres du réseau francophone de Faro, ainsi que des représentant·es de trois expériences invitées :
- Les Archives invisibles (Manifesta 13),
- Prendre place – Rue des musées, Musée de la Rue (Musée d’Histoire de Marseille, Archives municipales et Noailles Debout !, en partenariat avec Hôtel du Nord),
- Mémoire des sexualités.
Ces trois initiatives ont exploré des questions clés :
- Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser au droit au patri·matrimoine ?
- Quels lieux, rituels et cadres d’hospitalité patri·matrimoniale avez-vous imaginés et mis en œuvre ?
- Quelles transformations avez-vous observées dans vos pratiques ?
Le dialogue entre ces expériences, Récitadelles et les représentant·es de la Ville de Marseille s’est articulé autour de la notion d’hospitalité. Cette dernière a été définie comme une situation sociale permettant de tisser des liens entre communautés patri·matrimoniales et institutions publiques. Les discussions ont notamment porté sur les moyens de concevoir des conditions d’hospitalité accueillantes, susceptibles de faciliter la coopération entre communautés et action publique.
Un deuxième temps public autour de ces questions est prévu au premier semestre 2025.
Récitadelles déploie plusieurs enquêtes de terrain et investigations en recherche-création-action, structurées “en archipel”. Cette approche vise à établir des liens entre les problématiques, méthodologies et questionnements propres à chaque participant·e tout au long du processus. L’objectif final est de formuler une hypothèse méthodologique commune pour mener des projets de recherche-création-action collectifs et horizontaux, en interrogeant les relations de pouvoir dans un contexte de polyvocalité, particulièrement autour de l’exercice du droit au patri·matrimoine.
Ces enquêtes sont menées par les groupes suivants.
Les étudiant·es
Les étudiant·es en deuxième année de Master en Médiation culturelle des arts mènent, pour l’année universitaire 2024-2025, leurs projets tutorés à la Citadelle de Marseille dans le cadre de Récitadelles. Cette initiative s’inscrit dans une coopération avec les étudiant·es en Narrations interactives du DNMADe de l’École Supérieure de Design Marseille (ESDM).
Les étudiant·es des deux parcours se sont réparti·es en quatre groupes de recherche-médiation, chacun explorant l’une des quatre thématiques suivantes : les souterrains ; femmes & féminismes ; les luttes ; le travail. Les points d’entrée possibles pour ces terrains d’investigation incluent un lieu, un récit, une personnes, ou une combinaison ou pluralité de ces éléments.
Des actualités de leurs recherches en cours est disponible sur le blog du parcours Médiation culturelle des arts.

Une communauté de recherche-création-action
Texte en cours de rédaction.


Le film documentaire sur Récitadelles se conçoit comme une œuvre collective, documentant et interrogeant les processus de recherche, de création et d’action qui composent le projet.
Objet audiovisuel hybride, il mobilise la diversité des acteur·ices impliqué·es – chercheur·euses, étudiant·es, artistes, travailleur·euses du site, habitant·es – dans une démarche de co-création qui reflète la polyvocalité au cœur du projet.
Inspiré par l’anthropologie visuelle et sensible, le film tisse une narration composite mêlant images d’archives, captations amateurs et professionnelles, et séquences issues d’ateliers de médiation et d’écriture spéculative. Cette approche expérimentale articule documentation scientifique et fabulation, réflexivité critique et engagement sensible, pour explorer l’archipel qui compose Récitadelles.
Le processus de fabrication favorise une redistribution de l’auctorialité grâce à des ateliers d’écriture et de montage collectifs et une collecte participative d’images et de sons. Pensé comme un documentaire de création expérimental au format court ou moyen métrage, il permettra de valoriser le processus du projet, sa méthodologie et ses résultats auprès du public.
Il s’adresse notamment aux programmations orientées vers les nouvelles écritures en sciences sociales ainsi qu’aux espaces de médiation culturelle du projet, pour continuer à tisser des liens entre savoirs critiques et imaginaires collectifs.